Nous avons rencontré une population désœuvrée, n’ayant plus l’espérance ni la force de se battre pour une vie meilleure. Les jeunes « n’ont rien à faire » de leur journée, les retraités se remettent à travailler, certains tentent une reconversion plus rémunératrice, en un mot, l’équilibre familial a été chamboulé. Les petits et les grands ont tellement soif de rencontre, d’écoute, d’amitié.
Les coupures d’électricité régulières rythment la journée, les médicaments se font très rares, la valeur de la monnaie change à chaque instant sans aucune logique, les files d’attente aux stations essence n’en finissent pas lorsqu’il est possible de remplir son réservoir ! Prenons l’exemple de l’éducation dont l’accès est difficile : sans électricité pas de connexion ni visio possible ; pas de mazout pas de chauffage l’hiver, résultat : il y a plus de jours fériés que de jours d’école.
Quelle réponse face à cette impuissance, si ce n’est par la foi et la présence fraternelle pour leur témoigner notre soutien ? Avec les différents jeunes français missionnaires, nous avons tenté de redonner un peu de joie à travers la compassion et la consolation.
Un jour pendant la prière commune, le plus petit du groupe, un enfant de 4 ans, a avancé ses petites mains tournées bien haut vers le ciel, puis il s’est mis à parler fort, très fort dans son propre langage et personne ne comprenait ce qu’il disait ! Quand il eut fini, il s’avança vers la Bible au centre du tapis, la prit délicatement dans ses petites mains, l’embrassa tendrement, la reposa et retourna à sa place avec un large sourire nous ouvrant le ciel ! Il parla à Jésus tout simplement.
À peine notre vieille voiture garée au milieu des tentes construites de bâches blanches des UNHCR, les enfants sortent de partout et nous voici accueillis par leurs cris de joie, nous entourant de toute part !
Ce jour-là, nous arrivons le coffre plein de légumes, de gamelles, d’ustensiles et d’épices pour cuisiner « français » au sein d’une famille élargie. Violaine a pris son piano à 88 touches et des piles chargées pour provoquer des chants et des danses en tout genre, surtout le fameux « débké » !
Nous sommes assises par terre dans la « cuisine » avec les femmes pour éplucher les légumes lorsque nous réalisons qu’il nous manque l’essentiel pour notre Hachis Parmentier : un four ! On le dit à Um Slimane et 5 minutes plus tard, incroyable : voici qu’un four artisanal mais hyper professionnel à 2 compartiments apparaît ! La bouteille de gaz suit 3 minutes plus tard, arrivant elle aussi d’on ne sait où. « Il vous manque autre chose ? » on pourrait continuer à demander, on serait encore exaucé !
L’après-midi se termine par une note musicale avec les doigts qui défilent sur les touches du piano laissant la trace du vernis à ongle et la poussière levée sous les pas de danse en liesse. L’amitié construite par ces rencontres gratuites déplace les montagnes et permet de vivre des journées aussi pittoresques que profondes.
« Nous, on ne souhaite qu’une chose : partir, alors qu’on aime tellement notre pays ! Je déprime ici, c’est terrible de faire face à l’ennui. » Voilà le refrain qui habite les jeunes.
Alors on planifie des temps ensemble : on débat, on prie, on rigole, on cuisine, on part en randonnées, on fait des glissades sur la neige, on adore le Saint Sacrement, on part en mission porte à porte. Ces moments fraternels donnent des bouffées d’oxygène dans un quotidien bien incertain.
Lors d’une retraite spirituelle que nous organisons avec 70 jeunes français et libanais, nous sommes témoins que le Seigneur n’oublie aucun de ses enfants dans l’épreuve. La lumière jaillit à nouveau à travers la rencontre avec Celui qui est la Vie : « Le temps d’Adoration du samedi soir m’a permis de redécouvrir combien la prière pouvait me libérer de certaines choses et me faire avancersur ce chemin de confiance et d’abandon entre les mains du Père » confie un jeune.
Pendant le mini-goum de 3 jours dans la vallée de la Kadisha, un autre nous dit : « J’ai été touché par le partage de nos joies et nos peines durant la marche, grâce à la foi qui nous rassemble ! Un seul Esprit nous a conduit, l’amour du Christ qui est dans l’autre malgré sa différence. ».